Klapperstein, pierre des bavards

Il y a quelques siècles, on ne faisait pas dans le détail et les commères étaient sévèrement punies. Lors de la réunion de la ville libre de Mulhouse à la France, en 1798, cette coutume fut abolie. Il faut dire que le « Klapperstein » était une punition dont les femmes se seraient bien passées !

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« Je suis nommée la pierre des bavards, bien connue des mauvaises langues … »
Cette inscription est peinte sur la façade de l’ancien hôtel de ville de Mulhouse.

En-dessous, on peut apercevoir le fameux Klapperstein, suspendu à une chaîne. Cette pierre d’environ douze kilos représente une tête de femme grotesque qui ouvre de grands yeux écarquillés, tirant la langue. L’original se trouve au musée historique.

Spécialité mulhousienne, le Klapperstein était un supplice infamant destiné essentiellement à punir la femme médisante. Tout un programme !

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Un des préjugés les plus répandus dans le monde médiéval était bien celui-ci : la femme est bien plus bavarde que l’homme et ce défaut serait inscrit dans sa nature ! Un historien du 14e siècle écrit que les femmes sont plus loquaces par droit de nature que les hommes car « Adam a été formé de terre, et Eve d’une côte ; or, remplissez un sac de terre et un autre d’os ; agitez-les, et il est évident que les os ainsi remués feront plus de bruit que la terre ! »…

Après une « vérité » assenée avec un tel aplomb, il résulte bien évidemment que le nombre de condamnés au Klapperstein était majoritairement féminin. Quoique la gente masculine n’en a pas été exempte.

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Imaginons la scène qui a pour théâtre le marché de Mulhouse, de grande réputation, en l’an 1397. Une foule nombreuse et bruyante s’y retrouvait régulièrement, mais surtout, une fois par mois pour assister à un événement bien particulier et attendu.

Dans la rue des Boulangers, un homme apparaît, soufflant à pleins poumons dans une trompe pour ameuter la foule. Juchée à rebours sur le dos d’un âne, une femme, vêtue d’une chemise de pénitente, porte, suspendue autour de son cou par une chaîne, une lourde pierre sculptée ayant l’aspect d’une figure humaine tirant la langue : il s’agit du fameux Klapperstein, la pierre des bavards.

Accablée par le poids de l’objet autant que par la honte d’être exposée ainsi au regard d’un public étrangement silencieux, elle pleure. Des injures, des rires et des quolibets fusent de toutes parts. Rien ne lui sera épargné, ni les coups, ni les projections de fruits ou légumes gâtés. Et cela ne fait que commencer. La tradition veut qu’elle subisse son supplice en quatre stations, aux points cardinaux de la ville. Elle qui était si friande de ce spectacle hilarant, qui n’hésitait pas à cracher à la figure des condamnées, la voici au centre de la fureur du peuple mulhousien. Elle reconnaît même quelques voisines dans le public ! De grosses larmes coulent sur ses joues, elle fait vraiment de la peine à voir ainsi, toute recroquevillée sur sa bourrique. Voici ce qu’il en coûte d’avoir colporté la rumeur sur la liaison d’un bourgeois.

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« Zum Klapperstein bin ich genannt,
Den bösen Mäulern wohl bekannt,
Wer Lust zu Zank und Hader hat,
Der muss mich tragen durch die Stadt.”

Je suis nommée la pierre des bavards,
Bien connue des mauvaises langues,
Quiconque prendra plaisir à la dispute et à la querelle,
Celui-ci me portera par la ville.

Le port du Klapperstein ne fut aboli qu’en 1798 lors de la réunion de Mulhouse à la France.

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Source : Les grandes affaires criminelles d’Alsace, Laurent Lallemand, De Borée Edition

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