La choucroute
|Un chapitre sur notre plat traditionnel et ô combien succulent , n’est pas chose facile. Dans la continuité de notre article « À table, ancienne Alsace », nous vous présentons une page spéciale sur ce légume qui fait notre fierté et qui était d’une importance capitale pour nos anciens.
Ce plat, on l’aime ou on le déteste. Comme le disait Alexandre Dumas : « Je dirai de la choucroute ce qu’un certain abbé disait des limandes, que, s’il n’y avait sur la terre que la choucroute et moi, le monde finirait bientôt ». On l’aura compris, ce n’était pas son plat préféré !
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la choucroute, sans avoir jamais avoir osé le demander, le blog de iSundgau vous le révèle.
Le terme choucroute vient de l’alsacien Sürkrüt : littéralement « sür » (aigre) et « Krüt » (herbe).
Pour nos anciens, la préparation de la choucroute était un moyen très important d’assurer des provisions pour l’hiver. Les choux, comme les navets, étaient d’une conservation difficile et pourrissaient très vite.
Origine de ce plat
L’origine de ce mets est-il bien alsacien ? Selon certains, le chou fermenté a constitué la nourriture de base des constructeurs de la Muraille de Chine, et selon d’autres, c’est Marco Polo qui nous aurait apporté la choucroute.
Mais peut-être que la choucroute n’a pas d’autre origine que l’Alsacien lui-même. L’habitant et ce mets sont aussi anciens l’un que l’autre, perdus dans la même nuit profonde des temps qui couvre aussi le chou pommé blanc.
Cependant, pour ceux à qui une date quelconque pourrait faire plaisir, nous signalons que le Kreutterbuch de Jérôme Bock, réédité à Strasbourg en 1577, par le docteur Melchior Sebizius, parle de la choucroute comme d’une chose comprise depuis longtemps dans le domaine de l’alimentation vulgaire. Lorsqu’il énumère les travaux d’hiver de la prévoyante ménagère, il se borne à cette mention significative dont le laconisme éloquent est le plus sûr témoignage de l’antiquité de la choucroute : « Der Cappes ist eingesaltzen. » Vous l’entendez, le chou est salé. Ce n’est que d’une institution qui plonge dans l’éternité qu’on peut parler aussi carrément, aussi simplement.
La civilisation, bien loin de détrôner ce mets de nos ancêtres, lui a ouvert les cuisines de Paris, et le feu duc d’Orléans prétendait que la guerre de l’indépendance grecque n’avait été faite que pour procurer à l’Europe le plaisir de voir manger la choucroute au pied du Parthénon !
Nos anciens épiçaient plus fortement que nous ne le faisons, cette conserve végétale. Leur recette était plus riche que la nôtre. Je crois que nous n’en avons gardé que les baies de genévrier. La choucroute était déjà alors le mets consacré du dimanche, et il était accueilli avec un plaisir tout particulier lorsqu’il apparaissait avec l’ornement d’un puissant chapelet de saulsisses qu’ils aiment beaucoup et qu’ils y mettent en quantité, ou bien, lorsque, suivant l’expression pittoresque d’un écrivain du 16e siècle, le cochon l’avait traversé (wann die Sau dadurch geloffen ist).
Fabrication de la choucroute
Longtemps, chaque famille alsacienne faisait sa propre choucroute.
A l’aide d’un coupe-chou, une sorte de rabot à plusieurs lamelles, le chou est découpé en fines tranches.
Puis elle est empilée en couches successives dans de grandes et hautes jarres en terre ou en bois avec des baies de genièvre et du gros sel. Les jarres sont fermées par un torchon et un couvercle en bois surmonté d’une pierre qui sert de presse domestique.
Les jarres sont fermées hermétiquement avec une goulotte qui plonge dans l’eau. Ainsi, l’air ne circule pas mais les gaz de fermentation peuvent s’échapper.
Le sel fait dégorger le chou et forme une saumure, uniquement avec l’eau du légume. Conservé ainsi, le chou fermente pendant 8 semaines.
L’usage de cet aliment s’était répandu dans toutes les classes de la population qui y trouvaient un précieux supplément à la nourriture végétale pendant l’hiver, et pour pas cher. Avec les choux produits par un are de terrain, le paysan pouvait préparer au moins 200 à 300 kg de choucroute et obtenir un poids à peu près égal de feuilles et de déchets pouvant servir à la nourriture des vaches et des porcs.
N’oublions pas que la choucroute a été très utile pour les voyageurs en mer. Le célèbre capitaine Cook distribuait cet aliment à son équipage deux ou trois fois par semaine. Cela les a conservés en bonne santé sous tous les climats. Il n’a perdu qu’un seul matelot au cours de son second voyage, qui dura près de trois ans !
Sources :
Journal d’agriculture pratique et de jardinage, Alexandre Bixio, 2e série – tome IV, Octobre 1846
Calendrier du bon cultivateur, C.-J.-A. Mathieu de Dombasle, 1846
Journal des connaissances usuelles et pratiques, tome dix-septième, 1833