Noël en Alsace

Noël arrive, Noël est presque là ! Et malgré tous les conseils et recommandations pour avoir un comportement écologique et responsable, la frénésie d’achats, de cadeaux, de festins, nous reprend, comme tous les ans.

Cette profusion de bibelots, de bougies, d’illuminations, de décorations, dans les villes, les villages, dans les jardins ou terrasses des particuliers, atteint presque l’écœurement. C’est à qui a le plus d’ampoules clignotantes au centimètre carré ! Trop c’est trop !

Noël en Alsace, avec ses marchés et ses animations, est devenu un label gagnant pour le tourisme.

On prône notre région riche en traditions. Et pourtant, ce ne sont pas nos traditions qu’on met en avant, mais celles héritées des pubs de Coca-Cola. Le bon Père Noël, et tout son attelage de rennes, à qui on peut écrire, visiter son site internet, pour …. oui bien sûr, commander des cadeaux ! Ce Père Noël planétaire qui est devenu si « réel » qu’il devient impensable et même presque criminel de mettre son existence en doute.

Rappelez-vous, dans les années 50, la magie de Noël commençait par l’arrivée de ce cher Saint Nicolas (et de son acolyte redouté, Hans Trapp) et finissait par le Christkindla apportant des cadeaux dans la nuit de Noël. Le sapin de Noël était orné de petites pommes rouges et de chocolats et bredalas accrochés aux branches, et le scintillement des petites bougies nous émerveillait !

Les traditions des anciens, ces pratiques sociales dont le but était de donner un sens à la vie, constituent une chronique du quotidien des petites gens de notre région.
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2 décembre : Sainte Viviane
noel-05Période de l’Avent, c’est-à-dire l’attente du peuple des fidèles à la venue du Christ et période où les jours continuent à diminuer. Le temps de l’Avent comprend 4 dimanches matérialisés par les 4 bougies de la couronne de l’Avent qui, venues d’Allemagne luthérienne, sont apparues en Alsace dans les années trente. Le 1er dimanche, on allume une des 4 bougies, le 2ème deux, le 3ème trois et le 4ème, les quatre brûlent. Cette coutume de la couronne de l’Avent ne s’est répandue dans la région que depuis quelques dizaines d’années.
Le 2 décembre est aussi le jour où les enfants commencent à ouvrir les volets du calendrier de l’Avent (en forme de petite maison avec 24 fenêtres) et où les cuisinières se lancent dans la confection des brédalas (petits gâteaux de Noël). En effet, il n’y a pas une fête sans abondance, surtout dans une société où l’on ne mangeait pas toujours à sa faim.

4 décembre : Sainte Barbe
Patronne des mineurs, artilleurs et pompiers. Les soldats du feu organisent des bals pour fêter leur protectrice. Le jour de la Ste Barbe, dans le Sundgau, les paysans coupaient une branche d’arbre fruitier tel le pommier ou le cerisier (Barbaraneschtla) et la ramenaient chez eux. Ils faisaient tremper le rameau dans l’eau salé, à proximité d’une source de chaleur et s’il fleurissait pour la veille de Noël, c’était de bon augure et signe de prospérité pour l’année à venir.

6 décembre : Saint Nicolas

noel-st-nicolasÉvêque de Myra (Asie Mineure) et patron des écoliers, enfants de chœur, bateliers, prisonniers et boulangers, Saint Nicolas apparaît vers le 12e siècle en Alsace et se maintient particulièrement dans le Sundgau resté à la foi catholique. Ailleurs, St Nicolas a été remplacé par le Père Noël.
Selon une très vieille légende, il faut mettre la veille au soir, devant la porte de la maison, une carotte ou un peu de foin pour que Saint Nicolas n’oublie pas dans sa tournée les enfants de la famille. Mais attention ! Saint Nicolas peut très bien être accompagné du sombre Hans Trapp dont les premières traces apparaissent à la fin du 16e siècle, ou du Besa mit ruada (mauvais ou Satan avec fouet) qui fouettent les paresseux, les médisants et les filles légères. Si vous voulez que cet inquiétant personnage reste au dehors, déposez sur le rebord de la fenêtre un verre de schnaps. Pendant qu’il le boira, Saint Nicolas viendra, seul, distribuer les manalas, les pommes et les noix.
Pour le dîner du 6 décembre, on mange des manalas en buvant du chocolat chaud. Au dessert, on savoure un St Nicolas en pain d’épices et des clémentines ou des petites pommes rouges tardives à chair blanche. Et pendant toute la semaine, les enfants amènent à l’école des pains d’épices en guise de goûter.

Coutume toujours en vogue dans le Sundgau, un parent ou un ami de la famille, déguisé en évêque et escorté du terrible Hans Trapp, entre dans la pièce où se tiennent les enfants. Il se renseigne sur leur sagesse, félicite les plus gentils, gronde les galopins et offre les manalas (brioches en forme de bonshommes avec deux raisins de Corinthe en guise d’yeux – plaisir traditionnel que nos boulangers nous proposent encore) ou… un fouet ! Bienheureux le mauvais sujet que Hans Trapp ne fourrait pas dans son sac pour l’enlever ! Il en était quitte pour la peur…

13 décembre : Sainte Lucie ou Sainte Luce
C’est l’une des fêtes les plus importantes pour la compréhension du cycle des fêtes de Noël. Sainte Lucie (de Lucius né à la lumière du jour) symbolise la vie, le salut, le bonheur et est fêtée avec éclat dans les pays scandinaves. Mais pour bien en saisir le sens, il faut savoir que le calendrier julien, au rythme duquel les hommes ont vécu jusqu’à la fin du Moyen Age, retardait de 10 jours sur l’année actuelle. Si bien que le solstice d’hiver, Sainte Lucie et Noël étaient fêtés en même temps.

14 décembre : fête de Sainte Odile

noel-ste-odileSainte Odile, patronne de l’Alsace. Une légende raconte qu’elle serait venue à Heimersdorf par un été particulièrement torride. Assoiffée, elle aurait fait jaillir une source sur laquelle fut construite une chapelle au 7e siècle qui depuis, est devenu un lieu de pèlerinage très fréquenté pour les maladies des yeux.
Cette fête était célébrée le 12 décembre jusque dans les années 70.

21 décembre : Solstice d’hiver
Les jours commencent à devenir plus longs, la lumière triomphe de la nuit, l’espoir renaît.

24 décembre : la veillée de Noël
noel-06C’est ce jour-là qu’on confectionnait l’arbre de Noël, né en Alsace protestante ainsi que la crèche, développée par les catholiques pour contrer l’arbre de Noël. Le sapin de Noël, apparu à Hirsingue en 1898 chez un greffier du tribunal de paix, fut introduit par les autorités allemandes. On devait véritablement l’adopter après la Grande Guerre.

Ce soir-là, les enfants attendaient le passage du Christkindla (petit enfant Jésus) qui déposait les cadeaux sous le sapin, et ceci, en toute discrétion. Avant le coucher des petits enfants, toute la famille se réunissait autour du sapin, le père allumait les bougies qui l’ornaient, et avant l’ouverture des cadeaux qui se trouvaient au pied du sapin, tout le monde chantait les chants de Noël. Et avant de s’endormir, les petits enfants, comblés et ravis, remerciaient le Christkindla d’avoir apporté ces magnifiques cadeaux, comme un pull bien chaud et tricoté à la main ou cette poupée qui ouvre et ferme les yeux … Vers 6 – 7 ans, l’enfant comprenait bien que le Christkindla apportait ces cadeaux par le biais des mains de sa maman … Mais chut, il adorait faire semblant de croire à la venue du petit Jésus, cela ajoutait à la magie de cette période merveilleuse.

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Mythes, légendes, sorcellerie … Cela se raconte :

En cette veille de la Nativité, les forces de la Nature sont la préoccupation principale des Sundgauviens. A Friesen, au 19e siècle, à trois heures de l’après-midi, lorsque les cloches sonnaient, on mettait de la paille autour des arbres fruitiers. On espérait ainsi avoir une bonne récolte dans l’année à venir. A Attenschwiller, on coupait les branches des jeunes arbres qui n’avaient pas encore donné de fruits. L’année suivante, on était assuré d’avoir une bonne récolte. Il fallait ensuite donner les premiers fruits de ces arbres à un jeune enfant sur lequel les mauvais esprits qui toujours y étaient contenus, n’auront aucune influence néfaste.

Dans les temps anciens, avant le repas du soir, on lisait un passage de l’Evangile selon Saint Luc ayant trait à la naissance du Christ. Puis, après un dîner frugal, toute la famille allait à la messe de minuit, non sans avoir mis dan le poêle une grosse bûche, arrosée d’eau bénite dont on conservait ensuite les cendres pour protéger la maison des intempéries. Les chants sont également associés à cette soirée. Avant de recevoir leurs cadeaux, les enfants doivent chanter des chansons de Noël.

Pendant cet office, armé d’une dent de charrue que l’on avait trouvée, on reconnaissait les sorcières, car elles détournaient la tête au moment de la Consécration. Le propriétaire de la dent de charrue devait ensuite se dépêcher de rentrer chez lui. Car s’il arrivait après la fin de l’office, la sorcière avait une influence sur lui jusqu’au matin (Attenschwiller, Roppentzwiller).

De nombreuses légendes se rapportent encore à cette nuit précédant Noël. Dans le Sundgau, on disait que les animaux de la ferme se mettaient à parler et dévoilaient le nom de ceux qui, dans le village, allaient mourir dans l’année. C’est pourquoi on évitait de tendre l’oreille à la porte de l’étable ce soir-là, de peur d’entendre son propre nom.
A Fislis, on était convaincu que si la nuit du 24 décembre était sans lune, la récolte de cerises serait mauvaise et que dans les environs du château du Landskron, un rosier fleurit miraculeusement à la fin de la messe de minuit.
A Roppentzwiller, on croyait que si l’on creusait à minuit un trou dans le cimetière, on trouvait de l’or.

25 décembre : Noël
Fixée en 354 et primitivement fêté le 6 janvier, Noël est le premier jour de l’année en 1310 (jusqu’en 1691 où le Pape Innocent XII en décida autrement).
Dans le Sundgau, on emmenait boire les vaches au moment où l’angélus sonnait : l’eau à ce moment précis avait, dit-on, des vertus protectrices et préservait le troupeau des maladies. Mais l’eau avait aussi un pouvoir de purification : le matin de Noël, il fallait aller puiser de l’eau et entrer dans la maison le seau à la main, en prononçant les paroles Heiliwog, Gottesgob, Glück ins Hüss, un Unglück drüss (eau sacrée, don de Dieu, bonheur dans cette maison et que le malheur reste au dehors). Cette eau bénéfique était parfois utilisée pour bénir le lit conjugal des nouveaux mariés.

du 25 décembre au 6 janvier : « S’kleina Johr »
Elle relie la nouvelle à l’ancienne date de la naissance du Christ. Le 25 décembre marque le début des 12 jours sacrés, jours et nuits durant lesquels les femmes ne doivent pas filer de la laine car filer est symbole de création du monde. Il ne faut pas mettre en jeu le destin des 12 mois à venir …
Egalement baptisé Lostag ou année intercalaire car on peut prévoir le temps de l’année à venir. Chaque jour correspond à un mois. C’est ce que l’on nomme S’kleine Johr (petite année). Un autre moyen était utilisé, c’était l’oracle de l’oignon.
noel-oignonsCouper 6 oignons en deux pendant la messe de minuit, mettre un grain de sel dans les 12 moitiés en attribuant à chacune d’elles le nom d’un mois de l’année. Au bout de 8 jours, on peut en déduire le temps des 12 mois suivants ! C’est simple, celles où le sel devient humide correspondent à des mois qui seront pluvieux, celles où le sel reste sec, à des mois sans pluie.

Pour obtenir le même genre de renseignement, voici encore une autre méthode, toujours encore appliquée dans le Sundgau, par nos anciens : on notait soigneusement le temps qu’il faisait entre Noël et l’Epiphanie : celui du 25 décembre augurait de celui de janvier, celui du 26 annonçait le temps de février, et ainsi de suite. D’autres personnes commençaient le lendemain de Noël pour finir le 6 janvier.

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