Le temps de Pâques

La société de consommation est passée par là ! Les supermarchés et autres commerces nous inondent d’une foule d’objets de décoration pour fêter « dignement » Pâques. La bougie parfumée en forme de poule, le vase déco fluo en forme de cloche, l’arbre de Pâques enguirlandé d’œufs colorés, des paniers peints et décorés pour chercher les friandises en chocolat, rien ne manque ! Même la paille verte plastifiée pour que nos chers enfants puissent fabriquer leur nid !
Et revoilà les gondoles « chocolatées » pleines d’œufs, de cloches, de lapins, de poules, et aussi d’abeilles, de grenouilles, de cochons (si, si). On en arrive à oublier l’origine de la semaine sainte et du jour de Pâques.
Le carême se termine (encore un mot qui n’a plus beaucoup de sens, le jeûne et les privations n’étant plus à l’ordre du jour), et les fêtes pascales seront un moment de joie et de retrouvailles pour toutes les familles.
Et pourtant, c’est une joie pour les petits de chercher les chocolats et de les trouver dans une cachette insolite ou de voir gambader le lièvre dans le verger. (Lièvre qui, bizarrement, ressemble à Pompon, le lapin du clapier !).

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Et nos aïeux, comment vivaient-ils cette période du mercredi des Cendres au jour de Pâques ?
Annoncée par la pleine lune de printemps qui en fixe la date, la fête de Pâques a été par excellence la fête de la vie et du renouveau.
Pâques a tenu une place importante dans l’esprit et dans la vie de nos grands-parents. Si c’était avant tout une fête religieuse parmi les plus solennelles, c’était également un des premiers événements du printemps.

—- LE CYCLE DE PÂQUES —-

La période du Mercredi des Cendres, qui est le lendemain du Mardi Gras, jusqu’au Samedi Saint, est pour les catholiques le temps du carême. Autrefois, cela signifiait que ni le mercredi ni le vendredi, on ne devait consommer de viande, tandis que le reste de la semaine chacun devait se contenter d’un seul repas par jour.

puce-15x15 Le Mercredi des Cendres

Autrefois, au cours d’une célébration importante, le prêtre brûlait les rameaux bénis de l’année précédente. Les fidèles recevaient alors le signe de la croix sur leur front à l’aide des cendres. Si cette trace frontale devait rappeler à l’homme qu’il était mortel, et lui rappeler également les souffrances du Christ causées par les péchés des hommes, les cendres passaient à leurs yeux pour une protection efficace contre les maladies.
Par ailleurs, dans toutes les paroisses catholiques d’Alsace, une quinzaine de jours avant Pâques, les croix et statues des sanctuaires étaient couvertes d’un tissu violet pour n’être dévoilées que le Vendredi Saint.

puce-15x15 Le Dimanche des Rameaux (Palmasuntig)

Le dimanche avant Pâques, l’Eglise commémore l’entrée du Christ à Jérusalem, au milieu des acclamations du peuple qui agitait sur son passage des palmes et des rameaux d’olivier. En cette journée dominicale, la célébration de la Grand’messe est précédée d’une procession et débute avec la bénédiction des rameaux.

Le culte des rameaux bénis

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La coutume de la bénédiction des rameaux est encore bien vivante dans quelques villages du Sundgau.
Bénis et appelés à conjurer les maladies ainsi que les esprits démoniaques, les bouquets de buis sont rapportés à la maison : on en suspend une tige au râtelier ou à la porte de l’étable, au toit de la ruche et au berceau du nouveau-né. La plus belle est placée à la tête du lit conjugal sur un bénitier ou sur un crucifix. En général, le buis est changé tous les ans.
Heureux présage s’il reste longtemps vert ! Quand l’orage menace, l’aïeul trempe un petit rameau dans l’eau bénite et en asperge les murs de la maison et pour éloigner la foudre, on en jette dans le feu …
De plus, dans le Sundgau, des rameaux de buis, de houx et de sapin, fixés à un bâton de plus d’un mètre avec rubans tricolores et portés par les enfants, sont bénis avant d’être placés dans les vergers ou les potagers où ils doivent attirer les forces de vie sur les plantations.
Aux perches de buis bénis, on ajoute à Kappelen par exemple, une croix rustique ou des œufs vides et décorés, tandis qu’à Lutter, on plante sur la perche une betterave et qu’ailleurs ce sont des pommes …
Enfin, au 19e siècle, à Kiffis, on plantait en terre une branche. Si elle prenait racine, un mauvais présage s’annonçait : cela signifiait que l’année serait mauvaise pour la famille. En revanche, si la branche dépérissait, cela annonçait un bonheur dans la maison !
Plus communément, on décore le crucifix de la « Stuwa » avec un rameau bénit.

Le temps des crécelles
Les cloches se sont tues ! Mais durant la semaine sainte (mercredi, jeudi et vendredi), les fidèles devaient assister aux offices et il fallait annoncer les messes au moyen d’énormes crécelles qui appelaient les paroissiens aux « ténèbres ».
Ténèbres, car l’église était plongée dans l’obscurité après le chant de neuf psaumes, entrecoupés des lamentations du prophète Jérémie. En effet, après chaque psaume, l’on éteignait un après l’autre les treize cierges symboliques du candélabre dressé dans le chœur.

puce-15x15 Le Jeudi Saint (Grianer Dunschtig)

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Les cérémonies commémoratives de la Passion du Christ commençaient le Jeudi Saint : « les cloches se taisent, elles sont parties pour Rome » disait-on !
Le nom alsacien du Jeudi Saint est à rapprocher du repas de midi traditionnel : un plat d’épinard. Il faut y voir tout un symbolisme, celui de la renaissance de la nature. Jadis, au plat d’épinard étaient encore ajoutées les « neuf herbes », ou « la pharmacie du Bon Dieu ». Outre l’épinard, l’oseille, la ciboulette, le persil, le pissenlit, les orties, l’achillée, — les feuilles de primevères, le choux vert et le poireau devaient revitaliser le foie, la bile, les reins et renouveler le sang.
Par ailleurs, durant l’office du soir, on lavait les pieds de douze personnes en mémoire du geste instauré par le Christ.

puce-15x15 Le Vendredi Saint (Karfritig)

C’est le jour le plus sombre pour le christianisme. Il rappelle le sacrifice du Christ. Les enfants devaient eux aussi jeûner ce jour, et certains agriculteurs allaient même jusqu’à diminuer sensiblement les rations du cheptel de la ferme. Il était aussi impensable de chanter ou écouter de la musique.
Le Vendredi Saint est aussi un jour fécond pour certaines choses : les œufs, pondus ce jour-là, sont imputrescibles. Le vinaigre secoué est mieux conservé. Les œufs du « Karfritig » favorisent l’apparition des dents chez les nourrissons si l’on en masse les gencives et que l’on mélange ensuite cet œuf à la bouillie de l’enfant.
On choisissait aussi ce jour pour labourer les champs envahis de mauvaises herbes, avec la certitude que cela les empêcherait de repousser.

puce-15x15 Le Samedi Saint

Dans certaines communes, on brûlait Judas, qui était considéré comme le traître du Golgotha. La jeunesse alimentait un bûcher allumé jusqu’à l’aube et béni par le curé.
Au foyer du bûcher, chacun enflammait la longue bûche dont il s’était muni et lorsqu’elle était à moitié incandescente, il l’emportait chez lui. Là, on avait grand soin de conserver les charbons : « ils seront, disait-on, un puissant talisman pour la maison. Semés dans les champs, ils détourneront la grêle et assureront une abondante récolte ».
Les cendres des palmes bénites le jour des rameaux seront, quant à elles, mélangées à la semence afin d’empêcher la germination des mauvaises herbes.

puce-15x15 Le Dimanche de Pâques

« Pâques » vient de l’hébreu et signifie « passage ». En premier lieu, la fête rappelle le passage de la Mer Rouge et en second lieu, le peuple des chrétiens commémore ce même jour le « passage » du Christ de la mort à la vie, c’est-à-dire sa résurrection.
Le jour de Pâques se devait d’être joyeux. Et les gourmands étaient de la fête ce jour-là. L’agneau était bien sûr sur beaucoup de tables, mais aussi on retrouvait cet animal pour le dessert (Oschterlammela – biscuit en forme d’agneau) et qui évoquait l’Agneau de Dieu.

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Comme les enfants d’aujourd’hui, les enfants d’hier connaissaient le lièvre de Pâques et cherchaient dans le jardin les œufs peints.
Il fallait recueillir l’eau de Pâques « Osterwasser », avant le lever du soleil, voire à minuit, dans une eau courante, en évitant de prononcer la moindre parole pendant cette cérémonie, sous peine d’enlever au précieux liquide toute force. On utilisait cette eau pour protéger la maison.
L’eau qui est bénie par un prêtre ce jour-là passe pour guérir les maladies.

puce-15x15 Le Lundi de Pâques

À l’instar des deux disciples rencontrés par le Christ sur la route d’Emmaüs, on fête le retour du soleil et du printemps en allant se promener dans la nature renaissante. On rendait visite à cette occasion à sa famille ou encore on poussait jusqu’au pèlerinage le plus proche (pour l’est sundgauvien, par exemple, on allait à Mariastein).

 

Source : iSundgau

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