Médecine et chirurgie au Moyen Âge en Alsace

Dans le Sundgau, sous la domination romaine, la science médicale fut cultivée avec succès, comme dans tout le reste de l’Empire romain. Mais cette science disparut peu à peu…

Au Moyen Âge
Plus tard, à l’époque de la féodalité, les chevaliers se prodiguaient des secours mutuels ; leurs écuyers étaient en possession des moyens de panser et de recoudre les plaies de leurs maîtres.
Mais le peuple, lui, se livra à toutes sortes de superstitions. De toute façon, l’entourage d’un malade pensait qu’il valait mieux tenter un traitement douteux que de ne rien faire du tout…
La médecine et la chirurgie, alors dans le plus grand abandon, étaient aux mains de quelques hommes qu’on appelait physiciens et alchimistes et qui, la plupart du temps, passaient pour sorciers.
En Alsace, c’étaient surtout les juifs qui avaient quelques notions de médecine ; ils semblaient se rapprocher en cela des Arabes. Les vieilles femmes connaissaient presque toujours les vertus des herbes et c’étaient elles qu’on allait ordinairement consulter en cas de maladie.
On attribuait aussi des propriétés très efficaces aux eaux de certaines fontaines. On disait que pour celui qui était atteint d’aliénation mentale qu’il devait se laver dans une fontaine dédiée à Saint-Dizier. Puis on enfermait le malade dans une pièce sombre, on le mettait au pain et à l’eau pendant un certain temps, le tout accompagné de force signes de croix et aspersions d’eau bénite. Si après tout cela, le fou ne devenait pas sage, il ne fallait s’en prendre à personne, car le saint avait peut-être ses raisons pour ne pas accorder la guérison qu’on lui demandait !
Malheureusement, tout cela n’était pas de la science, et malgré les prières, les signes de croix et les flots d’eau bénite, ces pauvres gens mouraient souvent plus vite que si l’on eût laissé agir la nature seule.

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Cependant, on sentit le besoin d’avoir des hôpitaux et le premier qui fut fondé à Belfort prouve qu’on cherchait au moins à adoucir le mal et à le rendre plus supportable, à défaut de science. Ce fut la comtesse Jeanne de Montbéliard qui fonda le premier hôpital en faveur de dix pauvres, en 1349. C’est aussi de cette époque que datent les étuves, établissements bien utiles destinés au soulagement des maladies de toute espèce. Mais l’étuve ne subsista pas longtemps. Son propriétaire, le chevalier Jean de Morimont, la vendit en 1425 aux magistrats de Belfort qui la transformèrent en Maison de ville.
Il y avait encore un autre établissement, c’était la léproserie du « Champ-des-lépreux ». On sait qu’après les premières croisades, la lèpre se multiplia tellement en Europe, qu’on fut obligé d’établir partout des maisons pour séquestrer les individus affectés de cette terrible maladie et leur faire subir un traitement convenable.

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La léproserie de Belfort était située sur la rive droite de la Savoureuse. En Alsace, la lèpre sévira au moins jusqu’en 1471, puisqu’à cette époque des bourgeois visitait encore « es laidres ». Puis cette maladie diminua tellement que la léproserie fut transformée en couvent vers 1620. Ce couvent subsista jusqu’à la Révolution, époque à laquelle on le transforma en hôpital militaire.
Au 15e siècle, la médecine n’était pas séparée de la chirurgie et le médecin soignait « les rompures, les brisures, les blessures et visitait les lépreux ». Chez nous, (notre contrée faisant alors partie des domaines de la maison d’Autriche), contrairement à la France, les laïcs avaient le droit de se livrer aux sciences médicales et l’on ne rougissait pas d’associer à son titre de médecin celui de chirurgien.

Une autre maladie sévissait, « la pustule maligne » qui affectait les tanneurs et tous ceux qui se trouvaient en contact des dépouilles d’animaux, comme les bergers, les mégissiers, les bouchers, etc.

La question sanitaire n’était pas à l’ordre du jour à cette époque. Les fumiers encombraient les rues et restaient exposés devant les portes des maisons pendant des temps infinis. Des mares d’une eau noirâtre et sale croupissaient et exhalaient des miasmes putrides et viciaient l’air.
Il est regrettable de ne rencontrer dans les archives que peu de documents sur la manière dont les secours de la médecine étaient alors administrés. La pratique de la chirurgie et la science de la médecine étaient encore dans une enfance complète.

En 1445, une maladie terrible avait aussi frappé nos contrées. Cette année-là, après des temps froids et humides, presque toutes les personnes ressentirent des coliques extrêmement violentes, avec constipation opiniâtre et vomissement. Les malades étaient en proie à des souffrances horribles. Leur soif était brûlante, ils éprouvaient une vive sensation de froid et souffraient d’insomnie, de convulsions et de délires et succombaient en peu de temps à la violence de leurs souffrances. Ce mal cruel était nommé « le trousse-galant » ou « iléus » parce que l’intestin grêle était le siège ordinaire de cette maladie. (Une forme de choléra-morbus ?)
Les 16e et 17e siècles furent des époques désastreuses. Aux guerres presque continuelles se joignirent des pestes, des maladies contagieuses contre lesquelles l’art était encore impuissant.
La peste qui désola le Sundgau et la Haute-Alsace en 1564, fut des plus cruelles. (Celles de 1348, de 1350 à 1390, et de 1525 ne furent, en comparaison, que des épidémies ordinaires).
Une épitaphe de cette époque fait mention de la contagion de 1564 en disant que l’air en était obscurci.

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Pourtant, vers 1527, un illustre savant enseignait à Bâle. Ce docteur était Paracelse, « alchimiste profond qui fit faire de grands pas à la métallurgie, à la chimie, à la docimasie et que la médecine peut regarder comme un de ses plus célèbres praticiens ».
Un siècle après ce savant docteur, d’autres hommes remplirent notre province de connaissances plus solides, en alliant à l’art de guérir l’anatomie et la botanique.

En 1632, les Suédois se jetèrent sur le Sundgau et ravagèrent toutes les campagnes. La famine se fit affreusement sentir et ramena la peste. L’horrible contagion se répandit dans les villes et les campagnes.
Durant la longue guerre des Suédois, la chirurgie militaire était à peine organisée, néanmoins elle devait exister puisqu’on a trouvé différents objets datant de cette époque, dont des instruments de chirurgie. Mais le plus souvent les blessés étaient abandonnés sur les champs de bataille, à la merci des bêtes fauves et des oiseaux de proie.

Et pourtant … L’armée du duc de Lorraine, Charles IV, lors de son passage dans nos contrées (alliée des Suédois, donc nos ennemis…) avait avec elle plusieurs chirurgiens et médecins, parmi lesquels nous pouvons citer Forget, médecin du duc Charles, qui nous a laissé des mémoires fort curieuses sur les évènements de son temps.
Après le combat de Cernay, livré le 16 octobre 1635 entre l’armée de Lorraine et celle de Weymar, un soldat lorrain, passant sur le champ de bataille, y trouva un fantassin de l’armée de Charles, qui avait eu la moitié de la jambe emportée par un coup de canon. Il était encore en vie et pria ce soldat de le mener dans un lieu où il pût recevoir quelque assistance. Ce pauvre fantassin gisait sur le champ de bataille depuis neuf jours, sans aucun soin. On le ramena à Thann et Forget (qui raconte ce fait), lui fit amputer la jambe au-dessous du genou et le guérit parfaitement.
À cette époque, l’amputation était regardée comme une ressource extrême de la chirurgie, car cette opération nécessitait, non seulement le plus d’adresse, mais le plus de tact et de connaissances. Les procédés d’Ambroise Paré, dont les œuvres commençaient à se répandre partout, étaient les seuls qui fussent suivis pour pratiquer les différents genres d’amputation.

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Après 1648, date du traité de Westphalie qui donna l’Alsace à la France, la médecine et la chirurgie commencèrent à être réellement pratiquées dans notre province. Les médecins étaient alors payés par les communes afin de pouvoir donner gratuitement aux pauvres tous les secours de leur art.

 

Source : article de H. Bardy dans la Revue d’Alsace volume 2 , année 1851

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