Pierre de Hagenbach (1/3)

Pierre de Hagenbach est sans doute l’un des inspirateurs du Traité de Saint-Omer, en mai 1469. Jouissant de la confiance du duc de Bourgogne, il ne manqua pas, grâce à la connaissance de son pays natal, de la langue et des mœurs des habitants, de « vanter sans cesse la fertilité des bords du Rhin et les grands revenus que le Duc pouvait en tirer ». L’ère bourguignonne était ainsi ouverte et le Sundgau allait sentir la poigne de l’un de ses fils : Pierre de Hagenbach. En juillet 1469, il fait partie de la commission présidée par le margrave Rodolphe de Hochberg pour procéder au transfert des domaines engagés.

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PIERRE DE HAGENBACH, GRAND BAILLI

Très estimé à la cour de Dijon, intelligent et capable, Pierre de Hagenbach était alors le vaillant soldat qui jouissait de la pleine confiance du Duc de Bourgogne. Ses connaissances du Saint-Empire, sa pratique des deux langues, française et allemande, et son appartenance à la noblesse locale le désignèrent tout naturellement au poste de grand bailli, auquel il fut nommé le 20 septembre suivant. Pierre de Hagenbach venait d’atteindre la cinquantaine.

L’arrivée du grand bailli en Alsace
Commence alors l’œuvre du bailli, qui fût véritablement funeste à tout le monde. En novembre 1469, Pierre de Hagenbach s’en va prendre possession du Landgraviat d’Alsace à la tête de 1500 chevaux et 4000 hommes à pied.
On peut remarquer que c’est la première fois qu’un membre de la petite noblesse accède à une fonction aussi élevée. C’est pourquoi aussi le personnage est accepté sans la moindre opposition.

La rude mission du grand bailli
Le bailli de Hagenbach se met en devoir de transformer les droits précaires en une possession voisine d’une annexion définitive, comme le rêvait au fond le Duc de Bourgogne. Car la désignation de Hagenbach procède sans aucun doute d’une volonté d’enracinement. A vrai dire, sa tâche ne fut pas des plus faciles, les villes avaient profité de l’impécuniosité des Autrichiens, pour se faire accorder privilège sur privilège. Le pays si fertile, objet de tant de convoitises, connaissait encore de cruelles dévastations, dont celle des Armagnacs qui glacèrent d’horreur des générations entières. Les Habsbourg étaient au lendemain de leur échec politique en Suisse. A l’intérieur, ce fut la dissolution lente de l’autorité centrale vis-à-vis de la féodalité, de la bourgeoisie, des villes et des campagnes. Lutte entre la féodalité et le pouvoir souverain, lutte entre la noblesse et les villes, lutte entre le pouvoir impérial et les cités, tout cela contribuant fortement à la création d’une anarchie totale et de complications politiques.

Dans ce contexte, la grande mission de Pierre de Hagenbach rendit au Sundgau paix et sécurité dans une région où le pouvoir central brillait par son absence et où les villes jouaient un rôle important.

LA GESTION DES DOMAINES

Le rachat des domaines engagés est la meilleure carte de Bourgogne : il est prévu dès le Traité de Saint-Omer. Pour la Bourgogne, une domination sans intermédiaire paraît bien préférable au système autrichien de l’engagement.

Les réorganisations des instances provinciales

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Pierre de Hagenbach établit sa résidence à Ensisheim et s’entoura de fidèles recrutés parmi ses pairs. Sa gestion se traduisait par une remise en ordre des domaines engagés. La politique menée par Hagenbach visait en premier lieu à imposer à nouveau un pouvoir central affermi.

La reprise des seigneuries engagées
L’administration directe des seigneuries données en gage aux créanciers de l’Autriche fut possible grâce à l’argent bourguignon. Dès 1469, le baillage de Landser fut confisqué aux héritiers de Thuring von Hallwil, tandis qu’intervenaient le rachat de la Seigneurie de Thann (1470), de la ville de Rheinfelden des mains des bourgeois de Bâle (1472) et le remboursement d’autres créances comme celles de Marquart von Baldeck (1473).

Le premier coup de force : le château d’Ortenberg

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En novembre 1470, Pierre de Hagenbach recourut à son premier coup de force pour occuper le château d’Ortenberg, devenu le repaire des seigneurs-brigands. L’expédition illustre bien la politique de Hagenbach : une opération de police contre un nid de brigands est en fait une démonstration de force et de puissance, sans proportion avec les objectifs visés. La Bourgogne venait en outre d’entrer en possession de la Seigneurie du Val de Villé dont les codétenteurs furent indemnisés. L’occasion avait été donnée par Hagenbach de montrer aux yeux de tous la puissance de son maître.
PIERRE DE HAGENBACH ET MULHOUSE

L’exemple le plus flagrant de l’affirmation des prétentions bourguignonnes se trouve dans sa lutte contre Mulhouse, protégée par les Suisses, qu’on tente par tous les moyens d’annexer.

L’intervention de Hagenbach
Elle ne faisait que réactiver, avec des moyens accrus, la guérilla déjà ancienne. Depuis la guerre des Six Deniers (1466) où Sigismond d’Autriche fut mis en difficulté et l’invasion suisse inévitable (1468), la cité impériale focalisait toute la haine de la noblesse sundgauvienne.
Son isolement géographique, au milieu des possessions bourguignonnes, était compensé par un rapprochement avec Soleure et Berne et la protection de la Décapole. Dès l’été 1469, des coups de mains organisés par des nobles locaux bénéficièrent de l’aide de Hagenbach, après que Mulhouse eu refusé le remboursement des créances dues à leurs voisins du Sundgau. Comme Sigismond d’Autriche, jadis, il nourrissait le secret désir de l’annexer.

La pression sur Mulhouse
L’enlisement des pourparlers de Bâle conduisit Pierre de Hagenbach à accentuer sa pression. Ainsi, le 25 mai 1470, il adressa un ultimatum à Mulhouse en réclamant l’ouverture des remparts et la soumission des Mulhousiens à Charles le Téméraire. Mais Soleure, Berne et Bâle prêtèrent assistance à Mulhouse.
Des instructions ducales l’amenèrent à faire blocus de la ville en mars 1471. Malgré la médiation des Confédérés, les opérations de harcèlement se poursuivirent jusqu’en 1473. A la fin de cette même année, les troupes bourguignonnes amenées par Charles le Téméraire se déployèrent autour de Mulhouse, mais levèrent le siège en janvier suivant après un accord relatif aux dettes de la ville. Néanmoins, le duc s’était déjà attiré l’hostilité des Suisses …

À suivre …

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