La météo au 18e siècle (2)
|Après un petit passage du printemps, que dis-je, de presque l’été avec un temps chaud favorisant les tenues légères, la première sortie du barbecue et l’utilisation de la crème solaire, les températures sont en chute libre et nous avertissent que ce n’est pas encore gagné !
Profitons pour continuer notre énumération de la météo (suite de la première partie). Nous redémarrons à partir de l’année 1784, quelques années avant la Révolution, pour terminer en 1811, année de la naissance du fils de Napoléon 1er.
Tremblements de terre, orages très violents, ouragans, aurores boréales et autres phénomènes, dont une maladie des vaches, en 1797, qui a paniqué la population et les consommateurs de viande de bœuf… et toujours la mention « de mémoire d’homme » …
Les dernières années sont moins détaillées, l’auteur étant différent et moins assidu dans ses annotations.
1784
Janvier, beaucoup de neige. Froid (-10°C)
29 novembre, à 10h de la nuit, petit tremblement de terre qui n’a pas duré une seconde. Il a été cependant très sensible. Il a été ressenti plus fortement à Strasbourg où l’on a entendu peu auparavant un bruit sourd souterrain. Des personnes endormies ont été jetées hors du lit. Il y a eu des plafonds crevassés et d’autres tombés en partie. On y a observé que le baromètre était tombé précipitamment très bas. A Belfort, les deux secousses ont été si fortes que les soldats et cavaliers sont sortis avec frayeur des casernes, croyant qu’elles allaient crouler. A Horbourg et à Andolsheim, des paysans ont vu une traînée de lumière qui a précédé le tremblement de terre et qui n’a duré qu’un instant.
Voici ce qu’on lit dans les Mémoires de la baronne d’Oberkirch (II, p. 178) au sujet de ce tremblement de terre :
« À Montbéliard, il y eut un tremblement de terre dont on fut très épouvanté. Vers les 10h du soir, beaucoup de gens étaient déjà couchés, lorsqu’on entendit gronder le tonnerre et presque aussitôt on sentit les maisons trembler ; les portes s’ouvrirent, les lits remuèrent et les porcelaines dansèrent sur les buffets ; à grand peine pouvait-on se tenir debout. Les habitants eurent une frayeur horrible ; on se rappela avoir entendu dire aux vieillards que 112 ans auparavant pareille chose était arrivée… À dater de ce moment les lettrés de la principauté s’attendirent au sort de Pompéi et d’Herculanum. Il y eut bien des testaments et confession décidés cette nuit-là. »
Moisson assez bonne mais peu de paille. Vendange inégale, vin de très peu de qualité.
1785
Fortes chutes de neige du 13 au 28 mars, jusqu’à 40 cm, thermomètre à -7°C jusqu’au 31 mars. Dans la nuit du 3 avril, il est encore tombé 4 pouces 3 lignes de neige (7 cm).
Août et septembre, nombreux orages forts. La femme du receveur, assise dans son poêle (sic), a reçu une forte commotion électrique sans autre mal.
Moisson bonne et copieuse. Il y a eu cependant beaucoup de blé noir. Peu de foin mais beaucoup de regain.
Vendange inégale, plutôt médiocre. Vin de médiocre qualité.
1786
Du 4 au 6 mai, gelées blanches qui ont fait du tort aux jeunes vignes et aux arbres fruitiers. Le 13 mai, à 6 heures du soir, un parhélie du côté du midi ; il n’a duré que 2 ou 3 minutes.
7 septembre, vers 4h du matin, un tremblement de terre sensible le long de nos montagnes. Dans la nuit du 26 au 27 septembre, il y a eu un tremblement de terre qui a peu duré, mais qui a été très sensible à Thann et le long des montagnes.
Le 13 et 14 décembre, coup de vent du sud-ouest des plus violents. Quantité de cheminées ont été abattues ; deux maisons se sont écroulées. Le 14, au matin, on a senti, surtout le long des montagnes, un petit mouvement de terre. Dans la montagne du Ballon de Guebwiller, on a entendu un bruit souterrain, comme des coups de canon, et cela pendant plusieurs jours, ce qui a alarmé beaucoup le peuple. Les habitants de Lautenbach ont même demandé à leur curé des prières publiques, qui cependant n’ont pas eu lieu.
1787
Jusqu’à la fin février, froid. Cependant, dès le 15, on a vu quelques violettes. Le dernier jour de ce mois on a vendu déjà des bouquets.
Mars : la végétation a augmenté rapidement, les buissons sont presque totalement verts, tous les arbres fruitiers prêts à se mettre en fleurs.
Mai, plutôt froid, souvent de la pluie. Il a fallu chauffer jusqu’à la fin. Ce mauvais temps a arrêté la sève et a fait beaucoup de tort aux fruits ; presque toutes les poires sont tombées.
Le 17 juillet, grande grêle vers 10h du matin. 20 bans en Alsace et autant de l’autre côté du Rhin, jusqu’en Souabe, ont été grêlés. Il y a eu beaucoup de gibier tué, même des personnes tuées par la grêle ; il y avait des grêlons plus gros qu’un œuf.
Le 6 octobre, après 7h du soir, une belle aurore boréale montant presque au zénith, avec des jets de lumière blanche. Elle a peu duré. Tout le mois d’octobre et jusqu’au 14 novembre, le temps a été doux, même chaud. Les arbres se mettent en sève.
Le 18 décembre, vers 7h du soir, tonnerre, éclairs très forts, pluie battante et grêle.
Moisson bonne pour le seigle et l’orge. Le froment n’a pas rendu autant qu’on l’espérait ; la paille a été très abondante.
Vendange peu abondante ni trop bonne pour la qualité du vin. Le vin nouveau s’est cependant vendu fort cher.
1788
Le 31 mars, à 5h du soir, un petit tremblement de terre.
Le 4 juillet, thermomètre à 32°C ; vers 4h du soir un orage et de la grêle de la taille de noisettes. Juillet en général beau et chaud.
Août et septembre, beau et chaud, entremêlé de pluies chaudes. La végétation a beaucoup profité.
Le 4 et 5 décembre, neige jusqu’à 50 cm. Le 18, à 7h du matin, le thermomètre à -25°C.
Le 18 décembre, thermomètre à -30°C. On assure que le même jour le thermomètre est descendu à Bâle à -37°C. Le Rhin a été tellement pris au vieux Brisach que les chariots chargés y ont passé. Le 31 décembre, à Belfort, le thermomètre à -28°C.
L’année a été des plus fertiles en fruits ; la moisson paraissait bonne mais les gerbes ont mal rendu. Le blé a monté au marché de Colmar jusqu’à 22 et 23 livres.
Vendange bonne, qualité du vin très bonne aussi.
1789
Mars, dans sa totalité, froid et mauvais ; il est tombé beaucoup de neige.
Mai, jusqu’au 26, très beau et très chaud, le thermomètre plusieurs fois à 26°C.
Du 1er au 11 juin, toujours mauvais, pluie et froid. Il a fallu chauffer. Nombreux orages et fortes grêles. Le dimanche 21, la foudre a tué, à Landser, M. Wendling fils dans la chambre de Mademoiselle Neff ( ?) qu’il était à la veille d’épouser. Sa montre, ses boucles d’argent et une bague au doigt ont été fondus.
Le même jour, la grêle a saccagé la ville de Fribourg. Toutes les fenêtres et tuiles de la ville ont été cassées. Grêlons gros comme des œufs. Plusieurs pesaient plus d’une livre. Un berger n’a pu sauver de son troupeau de 400 moutons que quatre ; tous les autres ont été tués, ainsi qu’une grande quantité d’oies. Le même jour, 21 juin, il a fait un ouragan épouvantable en Basse-Alsace, proche de Lauterbourg. Il a dévasté la forêt du Lienwald, déracinant et brisant les plus gros arbres. Dans la plaine, plus aucun arbre sur pied.
L’automne a été très beau ainsi que novembre et décembre.
Moisson excellente. Vendange bonne pour la quantité. Qualité du vin moyenne.
L’année 1790 n’est pas mentionnée. Année tumultueuse après la Révolution. Aucune indication sur l’auteur qui reprend les annotations en 1791.
1791
Janvier très doux. Tous les jours on a peu se promener. Il y a eu trois fois de grands ouragans qui ont causé des inondations. Le 14, vers 5h du matin, plusieurs personnes ont senti un petit tremblement de terre.
Le 2 février, il a fait dans la journée toutes les espèces de temps : du soleil, de la pluie, de la neige, du vent et du tonnerre.
3 avril : éclipse de soleil, plus de moitié ; mais elle a commencé près de deux heures plus tard qu’elle n’était annoncée dans les almanachs.
Fin du mois de mai, les vignes ont commencé à fleurir.
14, 15, 16 juin : thermomètre à 5°C. Il a fait si froid qu’il a fallu faire du feu au fourneau. Le 23, Fête-Dieu, la pluie a fait rentrer la procession. A Colmar, elle ne s’est pas faite.
Le 1er août, le thermomètre a été à 38,5°C, c’est-à-dire à 1° au-dessus du 8 juillet 1753.
16 août : dans la nuit il y a eu à Thann un orage accompagné d’une grosse grêle qui a duré plus d’une heure et a ravagé les deux meilleurs cantons de vignes, la Rang et l’Engenberg, en entraînant pieds de vignes, échalas et la terre.
Octobre : je n’ai été obligé de faire du feu que le 29.
Décembre : tout ce mois a été sombre et humide, il n’a point gelé. Seul le jour de Noël a été beau.
1792
Mai : les premiers jours très froids. Il a gelé et les arbres ont beaucoup souffert.
Le 3 juin, gros orages, à trois reprises pendant toute la journée, avec ouragan et une pluie à verse qui a causé bien du dommage. À Fréland, trois enfants ont été frappés par la foudre, d’ont l’un est mort sur place. Un pâtre a aussi été grièvement blessé. Le 4, encore un orage très fort, la pluie a été encore plus violente. Le 5, beau et chaud mais vers midi un brouillard sec et puant comme en 1783.
Le 12 décembre, on a senti à Kaysersberg, à 11h 40 du matin, deux légers tremblements de terre, du sud-ouest au nord-ouest. Le même jour, à Strasbourg, il a fait un fort orage à 2h du matin. Des éclairs très vifs, deux forts coups de tonnerre, avec grêle, neige et un grand ouragan. Pendant deux jours, vents très violents.
1793
21 janvier : le temps s’est radouci, le thermomètre à -3°C.
Mai : à l’exception de trois ou quatre jours chauds, on a chauffé pendant tout le mois. Le 31 mai, le thermomètre à 2,5°C, vent du nord très vif. Gelée blanche. Neige sur les montagnes. Toute la journée, le thermomètre n’a pas passé 12,5°C. Il a fallu chauffer même la salle à manger.
1er juin, il est tombé plus d’un pied de neige dans le val d’Orbey. A 8h du matin, le thermomètre à 0°. Les vignes de la plaine ont beaucoup souffert. Le 12, temps froid avec un vent de bise du nord-ouest. Le 19, thermomètre à 6,5°C, pluie froide. J’ai eu du feu dans le fourneau. Le 22, encore froid, thermomètre à 7,5°C.
16 juillet : thermomètre à 38°.
Décembre, froid assez modéré. Un des arbres pommiers de ma cour a conservé des feuilles vertes jusqu’au 20 janvier suivant.
1794
Mars : temps superbe pendant tout le mois. Les arbres et les productions de la terre plus avancés qu’ils ne le sont ordinairement à la mi-avril. La vigne déjà en végétation à la mi-mars. Depuis grand nombre d’années, on n’a pas vu mars si beau et si favorable.
Avril : mois très beau et chaud mais sec. Dès la mi-avril, la vigne s’est mise en bourgeons.
25 mai : ce jour-là, dernier quartier de la lune rousse, de la pluie et le temps s’est tellement rafraîchi qu’il a fallu faire du feu. Ce froid s’est soutenu jusqu’au 4 juin.
Octobre, tantôt beau, tantôt pluvieux et froid. Cependant j’ai pu manger jusqu’à la fin du mois sans feu ; mais j’en ai eu le matin et souvent le soir dans mon poêle.
La moisson n’a pas été si abondante qu’on l’avait espéré à cause des dégâts que les souris ont causés dans les blés. De mémoire d’homme on n’en a tant vu.
Peu de vin, mais très bon, fort cher. Beaucoup de poires, mais très peu de pommes.
1795
5 janvier, jour de la pleine lune. A 7h du matin, thermomètre à -18°C. Il y a eu au matin autour de la lune un grand et beau cercle coloré, preuve de l’intensité du froid. Le thermomètre dans ma chambre à coucher, entre les doubles fenêtres, a été à -12°C. Dans la nuit, mon flacon d’eau pour les yeux, composée de deux tiers d’eau de neige et d’un tiers d’eau de cerises, a gelé sur ma table de nuit pour la seconde fois.
Le 26 janvier, il y a eu de la glace dans mon puits. A midi, le thermomètre à -15°C. Le 27, thermomètre à -1,5°C toute la journée. Vent au midi. Verglas, crue d’eau qui a emporté le pont près du cimetière.
1er février, neige et dans la nuit, un très grand vent du midi ; le dégel en plein. Plusieurs personnes ont ressenti, après 11h du soir, trois petites secousses de tremblement de terre.
Juillet : presque entier mauvais et froid. Le 15, 16, 17, on a été dans le cas de faire du feu. Il a gelé fort au Bonhomme. Jusqu’au 22, venteux, orageux.
Octobre : presque tout le mois a été beau, chaud et sans pluie. On a pu être jusqu’à la fin sans faire du feu.
Décembre : très peu de froid. A la fin du mois, on a cueilli à Thann des violettes.
L’année a été abondante en tout, la moisson excellente. Cependant, à cause de la Révolution et de la guerre, le grain est fort cher.
Vendange assez bonne pour la quantité ; la qualité excellente. Vin blanc jusqu’à 14 livres au pressoir.
1796
Dans les premiers jours de janvier, il a toujours fait beau, à des brouillards près ; il n’a jamais gelé. 12, 13, 14, chaud à pouvoir se promener sans gants. Le thermomètre à 7°C. Il a fait pendant tout ce mois le plus beau temps du monde, chaud à pouvoir se promener matin et soir.
A la mi-janvier, on a vu fleurir des violettes, marguerites, même un poirier bien situé.
Le 27 mars, jour de Pâques, il a beaucoup neigé. Il est tombé 5 pouces* de neige (env. 14 cm). *Un pouce = 2,707 cm
Juillet : vent du midi. Il a soufflé presque continuellement pendant 3 mois.
1797
21 mars, équinoxe. Thermomètre à -5,5°C. Très clair. La bise très forte. De mémoire d’homme on n’a pas ressenti à pareil jour un froid si fort. La végétation est très retardée ; on ne trouve pas encore couramment des violettes.
Avril : assez généralement bon. Rien d’extraordinaire pour la température. La végétation assez tardive.
Mai : des jours très chauds, surtout vers la fin. Quelques jours de brouillards qui ont fait du tort aux fruits à noyaux.
Juin : premiers jours venteux et froids, 5, 6, 7, 8 juin, on a fait du feu. Pluies continuelles. Thermomètre au-dessous du tempéré. Toujours le vent du midi. Même temps qu’en juin 1764.
Nota : depuis le mois de mars, il a régné en Alsace et de l’autre côté du Rhin, parmi les bêtes à cornes une épizootie qui a fait bien des ravages. Bien des gens, à cause de cette mortalité, n’ont plus voulu manger de boeuf. Ce qu’il y a de singulier, c’est que plusieurs endroits, comme Kientzheim, Saint-Hippolyte et autres, n’ont pas éprouvé ce fléau, quoique entourés d’endroits infectés de ce mal. Même dans ceux-ci, quelques particuliers qui ont pris des précautions en faisant des fumigations de vinaigre et d’ail, etc., ont conservé leurs vaches en santé. Cette épizootie a été telle qu’elle a fait périr une quantité prodigieuse de vaches. Telle commune qui avait un troupeau de quatre à cinq cents pièces, l’a vu réduit à 12 ou 15 bêtes. Ici, à Kaysersberg, en 15 jours de temps, il en a péri près de deux cents.
1er juillet : thermomètre à 5°C. La bise le matin, les fenêtres ont sué comme en hiver. A partir du 8, le chaud a repris et a successivement augmenté. Le 15, orage à 10h du soir, éclairs continuels et très vifs. Un grand ouragan avec de la grêle pendant une ou deux minutes seulement, mais qui a fait du dommage. Ce même orage a été très fort à Epfig. On a trouvé une quantité de lièvres, perdrix de tués par la grêle. Il y a eu des grêlons qui ont pesé jusqu’à deux livres.
Nota : le 21 juillet, il y a eu un accident terrible à Erstein*. De dix caissons de poudre que l’artillerie légère conduisait, sept ou huit ont sauté, soit par négligence, soit par la grande chaleur du jour. 30 ou 40 maisons d’Erstein ont été bouleversées et détruites. 3 à 400 personnes y ont perdu malheureusement la vie. De 100 canonniers qui escortaient les caissons, 6 seulement ont survécu. C’est un désastre affreux.
* Voici ce qu’on lit dans le Moniteur universel du 3 août 1797 sur cet accident : « Strasbourg, 1er thermidor. Il est arrivé un grand malheur dans nos environs : douze caissons chargés ont pris feu dans la petite ville d’Erstein, à quatre lieues d’ici. Cette explosion y a causé d’horribles ravages ; la ville est à moitié réduite en cendres ; un très grand nombre d’habitants ont péri, ainsi que presque tous les soldats du détachement qui escortait ce convoi ; les chevaux et leur conducteurs ont sauté en l’air. »
Août : chaud et sec, comme le mois précédent.
Septembre : très beau et chaud. Quelques pluies qui ont fait grand bien. Pendant tout le mois on a pu se passer du feu.
Novembre : premiers jours, été de Saint-Martin, ensuite du froid humide, pluie, gelée blanche, un peu de neige.
Nota : le 11 novembre, à Paris, vers 4h du soir, se sont soulevés de la Seine des bouillons agglomérés d’un brouillard épais, fétides et d’une nature tellement condensée qu’il interceptait la lumière à dix pas. Tout l’horizon a été subitement enveloppé. Il opérait un effet corrosif sur la vue et l’odorat, et en moins d’un quart d’heure le brouillard a plongé tout Paris dans une nuit profonde. On se perdait, on se heurtait, on s’appelait. En matière de brouillard, celui-ci est un des phénomènes les plus extraordinaires du siècle. Il a été chassé par une gelée blanche sèche.
30 décembre : plusieurs personnes prétendent avoir sentir un léger tremblement de terre, ici, à Kaysersberg, vers 1h du matin.
1798
18 janvier : un astronome de Paris a observé un corps noir, rond, traverser le disque du soleil.
8 mars : on a observé dans la Bresse, à 7h du soir, un globe de feu très singulier. Au bout de quelques secondes, il se fit une explosion semblable à un fort coup de canon. Ce météore répandit une lumière telle qu’il semblait que le jour eut reparu. La cause, suivant M. Lalande, est le gaz hydrogène qui s’enflamme dans l’atmosphère.
Le 14, vers 10h du matin, un tremblement de terre s’est fait sentir à Sarreguemines et environs. La secousse a été si violente qu’elle a soulevé une partie du pont. Quelques jours auparavant, un météore enflammé s’est élevé à 3 lieues sud de Metz, suivi d’une détonation très fort. C’est vraisemblablement celui-ci-dessus.
25 mai, à 1h 15, tremblement de terre à Sienne, en Toscane (Italie), très fort, qui a causé beaucoup de dommage. 50 personnes y ont perdu la vie et beaucoup de blessés. Le pape heureusement était à la promenade, car une partie du couvent de Saint-Barbe qu’il habitait s’est écroulée.
Juin : chaud et très beau. Des pluies de temps en temps. La plupart des vignes avaient défleuri avant la Saint-Jean. Il y a eu des cantons de vignes où les coupe-bourgeons* ont fait un grand dommage.
*Nom vulgaire d’un charançon qui, après avoir pondu dans les bourgeons des arbres fruitiers, les coupe à leur base et arrête la sève.
23 août : vers 6h du soir, fort orage, à Colmar surtout. La foudre est tombée sur le clocher de l’église ci-devant collégiale. Elle a suivi le fil d’archal qui répondait depuis le haut de la tour au corps de garde de la place. Elle a tué un brigadier de dragons qui était de garde, et qui était devant ledit corps de garde avec un lieutenant qu’elle a rendu muet et sourd, et blessé encore deux militaires qui se trouvaient en groupe avec eux. Le même orage est tombé à Niederhergheim où la foudre a incendié deux granges et a tué un particulier qui marchait sur la chaussée. Nota : Le dragon tué avait son casque de cuivre sur la tête.
A Colmar, il a fait si sombre qu’on ne se voyait presque pas. La frayeur a été presque universelle.
Octobre et novembre : en général beau, chaud. L’hiver s’est annoncé le 23 novembre.
1799
21 janvier, thermomètre à -21°C. La superficie de l’eau dans le seau au fond de mon puits, qui est très profond, a été gelée.
Février : fortes inondations à cause du dégel. On a ressenti dans les départements du nord et sur les côtes un tremblement de terre assez fort. Tous les journaux sont remplis des désastres occasionnés par les inondations et les glaçons.
Mai : presque tout ce mois a été froid, sombre et venteux. Les blés et productions de la terre très retardés. Il a fallu faire du feu au fourneau jusqu’au 24 de ce mois.
Juin : premiers jours, venteux, froids et le 16 le thermomètre est descendu à 5°C. Il y a eu de la glace dans les montagnes et au bord des rivières. J’ai fait faire un peu de feu le matin. Le chaud n’est venu qu’à la Saint-Jean.
9 juillet, à 11h du matin, un orage qui a peu duré. La foudre est tombée sur une maison d’Ammerschwihr, dont la toiture a été incendiée. Le 10, second orage. La foudre est tombée au village de Holtzwihr, a incendié une grange et encore d’autres bâtiments. Cet orage a fait, par une pluie très forte, de grands dégâts dans les vignes de la montagne, à Ammerschwihr, à Ketzenthal, à Sigolsheim, etc., entraînant les pieds de vigne, les échalas et toute la terre.
13 juillet, il a fait une gelée blanche dans le val d’Orbey. Le froid a duré jusqu’au 26. Plusieurs personnes ont fait faire du feu au poêle. En général, le mois de juillet a été désagréable et froid.
Septembre : désagréable, pluie, froid dans les premiers jours.
Décembre : froid, sombre et pluie. Nota : on a trouvé plusieurs personnes gelées par le grand froid.
1800
Avril : constamment beau et chaud. Très souvent le thermomètre a été à 25°C et même au-dessus. Arbres en fleurs, plusieurs fois des pluies chaudes. De mémoire d’homme on n’a pas vu un si beau mois d’avril et toutes les productions de terre sont avancées.
Mai : beau jusqu’au 13, quelquefois un peu de pluie. Le seigle a commencé à fleurir, les prés portent de l’herbe à foison. La vigne extrêmement avancée ; beaucoup de semences. Le froment s’est vendu au marché à 14, jusqu’à 18 francs. Le 13, j’ai mangé à dîner les premières fraises des bois. Fin du mois beau, chaud. Dans quelques endroits, on a déjà fauché les prés.
Juin : 1, 2, 3, temps rude et froid à souffrir le poêle chaud. Du 13 au 18, toujours froid, sombre. Vent désagréable d’ouest. Thermomètre au-dessous du tempéré. Il a gelé au val d’Orbey.
Juillet : le 7, thermomètre à 30°C et 32°C le 8. Il a suivi quelques jours rudes et froids, mais depuis le 18 jusqu’à la fin du mois, le temps a été serein et fort chaud. Grande sécheresse continuelle, les productions de la terre ont beaucoup souffert, même les vignes.
Août : même sécheresse et chaude.
Octobre : variable et pluvieux, surtout dans la vendange qui a été très mauvaise pour la quantité.
Novembre : le 9, un vent du midi si chaud que le thermomètre est monté à 21°C. L’après-midi, on des plus violents ouragans qui a fait crouler quelques bâtiments, enlevé des toitures et fait tomber des cheminées. Cet ouragan a également fait des dégâts considérables dans les provinces maritimes de France et dans beaucoup de pays des dégâts affreux. Il sera toujours mémorable.
1801
Janvier : commencement sombre, humide. Thermomètre presque toujours au-dessus de la glace. Inondations.
22 mars, vent du sud, pluie continuelle, de grandes inondations dans la plaine. Le 25, très serein, vent d’Orient, les eaux ont bien baissé. 29, 30, 31, le temps est devenu très serein ; poussière de mars.
Mai : dès la fin du mois les vignes sont mises en fleurs.
12 et 13 juin : orages, grêles qui ont tellement refroidi le temps que j’ai été obligé de faire du feu au fourneau. Le 14, thermomètre à 4°C. Ce temps rude a continué jusqu’au 20. Le 23, il est tombé beaucoup de neige et il a gelé dans plusieurs bans.
Septembre : le 10, à minuit, un petit tremblement de terre venant de l’est, qui a peu duré et n’a causé aucun dommage. Le 21, dans la nuit, grand ouragan accompagné de tonnerre et de beaucoup de pluie.
Octobre : en général variable. Pluie, vent, nébuleux. Quelques beaux jours. Froid. On a fait du feu pendant tout le mois.
Novembre : tout ce mois a été venteux, pluvieux, sombre. Des vents très forts, des inondations considérables en Alsace qui ont causé bien des malheurs et des dommages. Tout le mois a été froid mais il n’a pas encore gelé.
Décembre : début du mois orageux et pluvieux. Vers le milieu beaucoup de neige. Les inondations ont encore augmenté. Le 30, au soir, des éclairs et du tonnerre et on a senti un petit tremblement de terre. Le 31, thermomètre au-dessous de la glace. Mois très venteux et pluvieux. En Alsace, partout les rivières ont débordé, même le Rhin. Les inondations ont causé des dommages très considérables.
1802
Janvier : très serein. Thermomètre à près de 7 degrés au-dessous de la glace. Le 20, il a commencé à dégeler. Le 22, sur le soir, un vent chaud et violent avec de la pluie a fait augmenter la rivière d’ici, de sorte qu’on pouvait toucher l’eau sur le pont de la Boucherie, ce qui a fait craindre une forte inondation, mais à 1h du matin, l’eau a commencé à baisser. Cette crue d’eau momentanée a causé bien du dommage, surtout à Ingersheim où la rivière s’est portée sur les nouvelles maisons. Un pan de mur a été abattu.
Mai : le 1er, temps très beau et chaud. Du 14 au 19, mauvais, froid, thermomètre à 4° au-dessous du zéro. Le 17, thermomètre presque à la glace. Dans le même jour, pluie, vent, neige, orage, quelques rayons de soleil.
Juin : premiers jours très beaux. Les vignes se sont mises en fleurs. Le 8, temps fort rafraîchi. Petite pluie. Ce jour de Saint-Médard il a plu un peu à différentes reprises, mais c’est la suite de l’orage d’hier.
Le 7 juillet, à 9h 53 minutes du soir, on a ressenti à Strasbourg une secousse de tremblement de terre qui a été assez considérable.
Septembre : le 7, thermomètre à 25°C. Après-midi, un orage et de la pluie. Le 12, on a senti à Strasbourg et dans les environs, après 6h du matin, deux secousses de tremblement de terre. La seconde a été la plus forte. Aucun dommage, mais beaucoup de frayeur. La sécheresse continue, elle dure depuis la Saint-Jean. Pendant cet été on a compté 54 jours de très grandes chaleurs.
Octobre : continuation de la sécheresse. Depuis mémoire d’homme on n’a pas vu un temps plus beau et si chaud pour la saison. La vendange petite, inégale pour la quantité. Qualité supérieure. Le raisin sans aucune pourriture et parfaitement mûr.
Novembre : il a gelé pendant deux ou trois jours où le thermomètre a été à -4°C avant la Saint-Martin. Le 23, il y a eu au soir sur le Rhin un très fort orage, des éclairs très vifs. A Fribourg, la foudre est tombée sur la principale église.
Nota : le tremblement de terre qu’il y a eu à Constance a formé une île dans le lac.
Nota : dans la nuit du 8 au 9 de ce mois, un tremblement de terre à Strasbourg, qui a été ressenti aussi à Wissembourg. Il n’a pas causé de dommage.
1803
Août : le thermomètre depuis le mois dernier toujours au-dessus de 25°C. Sécheresse continuelle depuis trois mois et au-delà.
Septembre : même température et sécheresse jusqu’au 16 où le temps s’est mis à la pluie par un vent de midi. Le 23, après 7h du soir entre le sud et l’ouest un météore igné de plus de 4 pieds en longueur qui a duré plus d’un quart d’heure. Le même jour, un tremblement de terre à Thann.
Les mois d’octobre, novembre et décembre ont été assez pluvieux. Des inondations, temps sombre. La fin de décembre chaude, le thermomètre plusieurs fois au tempéré. Dans la nuit du 30 au 31, un ouragan, grand vent, pluie, orage avec éclairs.
Le 28 décembre, il y a eu à Paris un ouragan comme de mémoire d’homme on n’en a vu. Les personnes ne pouvaient se soutenir, beaucoup de gros arbres déracinés, des toitures enlevées, même des maisons écroulées, etc.
1804
Le mois de janvier a été en général très doux. Plusieurs jours même le thermomètre est monté au tempéré et au-dessus. Les poiriers se sont mis en fleurs.
Au commencement de février, on a vu des jeunes pinsons et des hannetons. Mi-février, le temps s’est rafraîchi.
Avril : rien d’extraordinaire à noter pour la température. Beaucoup de vent.
Août : en général mauvais, humide. On désespérait que les raisins en très grande quantité vinssent à mûrir.
Septembre : très beau mois, chaud ; les raisins ont très bien mûri.
Octobre : dans ce mois, qui a été fort beau, on a fait la vendange dans tous les vignobles. De mémoire d’homme on n’a vu de vendange plus complète. Partout aussi le vin a-t-il considérablement diminué de prix. Sa qualité n’a pas été supérieure, mais il s’est bonifié dans les tonneaux.
Novembre : à peu près même température. L’hiver a commencé après un petit été de la Saint-Martin.
Décembre : commencement froid et beaucoup de neige.
1805
Janvier : début du mois, froid, sombre. Il n’a pas dégelé. Le 14, petit dégel, un peu de pluie.
Février : dégel par un vent du midi très violent. Baromètre à 6 au-dessous du variable. Thermomètre à 8°C.
1806
Le 9, 10 et 11 mars, il est tombé 10 cm de neige. Dans la nuit du 14, elle a disparu par un vent violent du midi, mêlé de pluie.
Le 23 octobre, il y a eu un ouragan effroyable qui a duré 24 heures. Le vent a abattu beaucoup de tuiles, des cheminées, quantité d’arbres et a soulevé et renversé une maison à Michelbach, bâtie depuis deux ans. Elle était à Arnitz le jeune.
1808
Le 3 septembre, de grands nuages provenant de la vallée de Saint-Amarin couvrirent la ville. A 6h, la foudre tomba entre les deux peupliers à côté de la sécherie de toile peinte de MM. Robert et Compagnie, placée dans l’enclos des ci-devant Cordeliers*, entra en terre où elle fit un trou. Quelques minutes plus tard partit un second coup, plus fort que le premier et on vit tomber la foudre au clocher de la paroisse, là où les cloches sont suspendues, frappa dessous le cadran de l’horloge et fit un trou précisément sous 6 heures et quart, répandit le plâtre, le ciment et des écailles de pierres de ce trou jusque vers la sacristie et finit par répandre au chœur une quantité d’étincelles et de la fumée.
* A Thann. Depuis 1845, c’est l’hospice civil.
Cette année est mémorable en production de fruits. Il faut compter qu’un quart a été gâté, abandonné, que ni les hommes ni les animaux ne voulaient plus manger.
Cette même année 1808, on a eu une grande quantité de raisins à la vigne mais qui n’a point mûri, et dont le vin sera très mauvais.
1809
Cette année est notable en ce qu’on n’a point fait de fruit du tout, d’aucune espèce, et que le vin a totalement manqué pour la quantité comme pour la qualité.
1810
Dans le courant de cette année j’observe que les grains n’ont point trop bien réussi. La vendange n’a pas mieux réussi que le grain.
1811
Cette année sera mémorable par les qualités délicieuses du vin qu’on a généralement fait dans notre département. Il sera conservé dans les grandes caves et surtout chez les personnes fortunées. Déjà au mois de juillet on voyait et on avait du raisin de la vigne. Il n’y a pas eu de printemps ; l’été commença et dura de continuité depuis le mois de mars.
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C’est ici que se termine ce recueil, repris et annoté par différents curés. On remarque que le dernier, celui des années 1805 à 1811, n’a consigné que peu d’anecdotes intéressantes et, sans doute lassé par ce travail fastidieux, a baissé les bras et abandonné… Moi aussi, après ces nombreuses heures à consigner cette littérature sur mon blog, la tête pleine de pluie, vent, orage, ouragan, aurore boréale, inondation, sécheresse, tremblements de terre etc., j’abandonne… en espérant que demain, le printemps tant espéré pointera, enfin, le bout de son nez.