La lessive, corvée d’autrefois
|La lessive est devenue, de nos jours, une opération banale, rapide et relativement bon marché.
Jusqu’au milieu du 19ème siècle, la lessive était une véritable corvée et se déroulait deux à trois fois par an, sur plusieurs jours. Le linge était d’abord trempé dans de grands bacs. Puis on procédait au « coulage à froid » : déposé dans une cuve en bois, recouvert d’un drap sur lequel on répandait de la cendre, le linge était arrosé d’eau froide. Après une nuit de repos, on procédait au « coulage à chaud » : on versait de l’eau chaude qui, récupérée, était de nouveau chauffée et reversée jusqu’à ce que le linge soit bouillant. On attendait encore une nuit, puis on sortait le linge du cuvier pour le brosser. Ensuite, il fallait le transporter à la rivière pour le battre, le rincer et le tordre pour le séchage.
La lessiveuse de ménage
Ce procédé ancestral a été allégé avec l’apparition de la lessiveuse de ménage : récipient de tôle galvanisée, muni d’un couvercle, placé sur le poêle ou la cuisinière, où l’on faisait bouillir le linge à laver. Il fallait entasser le linge autour d’un tube central qui permettait un arrosage automatique afin de décrasser les vêtements. Après une heure, le linge n’était pas lavé ! On attendait qu’il refroidisse pour le savonner et le frotter.
Le coton était mis à bouillir dans de l’eau à laquelle on ajoutait du savon de Marseille râpé. La laine et les tissus délicats étaient mis à tremper dans de l’eau tiède savonneuse.
Ensuite, cette lessive était transportée dans une corbeille en osier jusqu’à la rivière pour être relavée et rincée. Gare aux genoux meurtris ! Le linge était savonné, frotté, frappé avec un battoir pour en sortir toute la saleté, puis rincé et refrappé pour en sortir le savon. Après, il fallait le tordre pour en expulser l’eau au maximum.
Ce travail prenait une bonne demi-journée et était très dur, surtout durant la mauvaise saison.
Faire la lessive à la rivière par temps de pluie, mais surtout en hiver, était un travail presque surhumain. C’est pourquoi beaucoup de familles avaient fabriqué des bacs en bois, sur pieds, où elles pouvaient laver et rincer le linge. Pour remplacer la pierre plate de la rivière, elles disposaient également d’une large et épaisse planche sur laquelle elles frappaient au battoir les pièces lavées et rincées. Avantages ? Plus besoin d’aller à la rivière et possibilité d’ajouter de l’eau chaude dans les bacs.
Mais, comme disait ma grand-mère, chaque avantage a ses inconvénients : le rinçage était moins facile et plus long puisque l’eau ne se renouvelait pas et qu’il fallait changer l’eau plusieurs fois pour obtenir un bon rinçage.
Les familles privilégiées, celles qui avaient un puits sur leur terrain, construisaient un bac en ciment près de la pompe amenant l’eau du puits.
Mais avant d’arriver aux machines à laver actuelles, il faut également mentionner l’étape intermédiaire. Fin des années 50, on pouvait acheter une grosse machine à laver le linge qui pouvait contenir une bonne dizaine de kilos de linge. Elle était chauffée par un foyer à bois et un moteur électrique faisait tourner le tambour. Bien sûr, pas de programmation et il fallait surveiller le thermomètre ainsi que la durée de la lessive. Le travail de l’essorage se faisait à part, avec une essoreuse manuelle à rouleaux.
Et c’est dans les années 60 que la machine à laver connaîtra en France son véritable succès. C’est également à la fin des années 60 qu’apparaîtront les machines « portables » ou mini machines à laver en plastique, assez rudimentaire mais bien moins chères, qui allégeront le lavage et le rinçage, sans essorage et sans chauffage de l’eau.
De nos jours, le travail est considérablement allégé, il suffit de trier le linge, choisir le programme adapté et la machine s’occupe de tout : elle lave, elle rince, elle essore. Même le travail d’étendage est presque supprimé puisque le sèche-linge est là !
On n’arrête pas le progrès et pourtant, c’est avec un peu de nostalgie qu’on imagine toutes ces générations de lavandières, agenouillées sur une pierre plate au bord de la rivière, déversant tous les potins et cancans des villages, ou encore séchant les grands draps blancs en les étalant sur l’herbe.
Rajout :
Sur mon ancien blog, bbharth me signalait que « pendant ce temps de lessive, le repas ne pouvait pas être prêt ! Mais l’ingéniosité féminine n’avait pas de limite. La femme préparait le fameux baeckaoffa alsacien et le déposait dans le four du boulanger. Au retour de la rivière, elle le récupérait chez le boulanger, cuit et chaud. »
Merci pour cette réflexion judicieuse et intéressante.
Sources :
http://www.lamachinealaver.com/index.php?page=article001
http://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/ArgentonCreuse/Argenton-Musee-de-la-Chemiserie.htm (photo)
http://www.cite-st-joseph.asso.fr (photos)