La guerre de 1870
|Les deux guerres mondiales du vingtième siècle ont supplanté cette guerre franco-prussienne. Pourtant, ce conflit qui opposa la France et les états d’Allemagne sous la domination de la Prusse, a eu un résultat cuisant pour la France, la perte de l’Alsace et de la Lorraine. Et ce n’est que quarante ans plus tard que les deux provinces redeviendront françaises.
Un peu d’histoire
Cette guerre fut très courte, à peine 6 mois, de mi-juillet 1870 à fin janvier 1871. Toutes les batailles se déroulèrent en France, sauf la première.
Tout a commencé par la fameuse dépêche d’Ems dont les termes ont été falsifiés. Cette « fausse » dépêche insulta la France qui déclarera la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870.
Napoléon III a réagi trop vivement, son armée n’étant pas prête. Par contre, l’alliance germano-prussienne a mobilisé 800 000 hommes (contre 250 000 pour la France) et en 6 semaines, les armées prussiennes captureront Napoléon III à Sedan et marcheront sur Paris.
(Après la capture de Napoléon III, l’Assemblée législative proclamera la fin de l’Empire et le début de la IIIe République. L’empereur s’exilera en Angleterre où il mourra 3 ans plus tard.)
Napoléon III et Otto von Bismarck, après la défaite de Sedan
Assiégée par les Prussiens, Paris capitula le 28 janvier 1871. Les représentants des états allemands et les Français se réunirent dans la galerie des Glaces du château de Versailles et proclamèrent l’avènement du deuxième Reich. Le nouvel empire germanique se composera de la Prusse, de la Bavière, du Wurtemberg et de la Saxe. Guillaume 1er deviendra le nouvel empereur et Otto von Bismarck le chancelier.
Le gouvernement provisoire de la France devra payer une indemnité de 5 milliards de francs-or et céder l’Alsace et une partie de la Lorraine. Ces provinces feront désormais partie de l’empire allemand en tant que « territoires d’empire », le Reichsland.
Armoirie du Territoire impérial Reichsland Elsaß-Lothringen
C’est de cette époque que date la chanson « Alsace et Lorraine », écrite par Gaston Villemer et Henri Nazet. Mais si, vous la connaissez, surtout la première ligne ! Le refrain est devenu célèbre au fil des années :
Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine
Et, malgré vous, nous resterons français
Vous avez pu germaniser la plaine
Mais notre cœur, vous ne l’aurez jamais.
–> Consultez la totalité des paroles de cette chanson
Une bataille est aussi restée dans la mémoire collective, la bataille de Froeschwiller-Woerth, appelée bataille de Reichshoffen. Les charges offensives des cuirassiers français donnèrent également un chant rythmé :
C’était au soir d’la bataille de Reichshoffen
Il fallait voir les cavaliers charger.
Attention ! Cavaliers ! Chargez, d’un bras
C’était au soir d’la bataille de Reichshoffen
Il fallait voir les cavaliers charger.
Attention ! Cavaliers ! Chargez, d’un bras, d’un pied
Les territoires français annexés à l’Empire allemand de 1871 à 1918
Durant presque un demi-siècle, les provinces annexées subirent un gouvernement absolu. Bismarck lui-même n’a jamais considéré l’Alsace-Lorraine autrement que comme un rempart destiné à protéger la nation allemande.
Le 23 août 1870, il écrit au Maréchal Manteuffel :
« Votre idée que ces territoires (l’Alsace et la Lorraine) ne soient pas partagés, mais déclarés pays d’Empire et administrés au nom de l’Allemagne a déjà été agréée par Sa Majesté le roi aussitôt après ses premières victoires. En revanche, il me paraît impossible de conseiller la neutralité avec une semblable situation. Il faut que les nouveaux pays deviennent une partie intégrante de l’Allemagne pour laquelle leurs forteresses créeront la base qui manquait jusqu’ici à sa défense du côté de l’ouest. De leur neutralité naîtrait le danger que les sympathies des habitants et de leur armée ne gravitassent vers la France en cas de guerre, et que les sympathies françaises qui resteront immanquablement dans la majorité de la population ne trouvassent probablement dans leur armée un point de cristallisation. » (L’Alsace après 1870, p. 14 – Jeanne et Frédéric Regamey – 1911)
Henri de Treitschke, historien allemand, écrit en 1870 : « Une question d’économie nationale est aussi à prendre en considération. La nature a traité notre pays en marâtre, mais en Alsace, la terre reçoit les bénédictions d’un doux ciel, comme on ne le rencontre qu’en quelques endroits favorisés du Palatinat transrhénan et du haut duché de Bade. Une singulière faveur de la configuration du sol a permis là-bas de conduire, par deux trouées dans la montagne, des canaux allant du Rhin dans les bassins de la Seine et du Rhône, grandioses routes d’eau telles que le sol allemand ne les permet que rarement. Nous ne sommes nullement assez riches pour pouvoir renoncer à une possession aussi précieuse.« (idem, p. 20)
Le 17 janvier 1871, Bismarck, exaspéré par la résistance qui se prolonge, expose à ses hôtes réunis autour d’une bonne table, ses idées sur la façon d’en finir : « Et si, dans l’étendue du territoire que nous occuperons, nous ne pouvons pas tout garnir de nos troupes, nous enverrons de temps en temps une colonne volante vers les localités qui se montreront récalcitrantes ; nous fusillerons, pendrons et brûlerons. Si cela arrive quelquefois, ils finiront par devenir raisonnables.« (idem, p.23).
Nous sommes loin des belles paroles du début, des généreux sentiments étalés dans la proclamation du roi de Prusse, affirmant qu’il ne faisait pas la guerre aux populations…
Bombardement de Strasbourg (août 1870)
Les fortifications de Strasbourg, conçues pour résister aux canons du temps de Louis XIV, ne pouvaient pas tenir contre l’artillerie allemande. La place pouvait être prise avec un minimum d’efforts, en se bornant à démolir les fortifications. Les Alsaciens disant bien haut leur désir de rester français, un exemple devait être fait. Et la ville de Strasbourg fut bombardé pendant 31 jours, reçut d’après une statistique publiée par le major prussien Reinhold Wagner 202.112 projectiles, soit 6.520 par jour, 272 par heure, 4 ou 5 par minute. Sur 3.598 maisons, 24 seulement furent épargnées, toutes les autres furent plus ou moins endommagées, 333 absolument détruites et à peu près autant rendues complètement inhabitables. Plus de 10.000 habitants se trouvèrent sans abri. Il y eut 362 morts, 2.000 blessés, hommes, femmes, enfants. (source : Moniteur prussien, octobre 1879).
Écrivain militaire allemand, J. von Widecke, dans « Geschichte des Krieges von Deutschland gegen Frankreich” écrit : “Lancer volontairement des obus et des bombes dans l’intérieur d’une ville, au lieu de les diriger contre les remparts, est une des nombreuses cruautés, des inutiles destructions que nous avons, hélas, commises dans cette guerre. Nous n’avons pas fait ainsi des conquêtes morales, nous n’avons pas accru la sympathie de l’Alsace pour l’Allemagne, bien au contraire. Puisque nous voulions recouvrer à jamais cette province, nous n’aurions pas dû commencer par exaspérer la population contre nous.«
Les bombardements s’acharnèrent également sur quelques monuments, comme la célèbre bibliothèque de la ville qui était une des plus riches de l’Europe. Parmi ses 200000 volumes se trouvaient plusieurs milliers de parchemins, de manuscrits, d’incunables, la collection des Constitutions de Strasbourg et une multitude d’autres trésors inestimables relatifs au passé de l’Alsace. La nuit du 24 août, tous ces trésors s’effondraient sous les bombes incendiaires. La cathédrale elle-même faillit s’écrouler dans la tourmente de fer et de feu du bombardement.
Strasbourg, le 28 septembre 1870
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La France récupère ses provinces perdues… après la fin de la guerre 14-18.
48 ans après la défaite de la France dans cette guerre franco-prussienne, le 28 juin 1919, le traité de Versailles mettra fin à la Première guerre mondiale. Ce traité fut signé au même endroit que celui qui signifia la capitulation de la France en 1871, dans la galerie des Glaces du château de Versailles. Il y est stipulé que les provinces annexées en 1871 devront être restituées à la France. Les clauses de ce traité furent drastiques pour les Allemands qui se sentirent humiliés et prêts pour une revanche… qui arriva 20 ans plus tard avec la 2ème guerre mondiale et l’annexion, encore une fois, des provinces de l’Alsace-Lorraine.
Sources : L’Alsace après 1870 – L’Alsace au lendemain de la conquête – Jeanne et Frédéric Regamey – 1911 – Ed. Jouve et Cie, Paris.
Images : Wikipédia